Les avocats des propriétaires touchés par les expropriations, les représentants du Syndicat des Producteurs forestiers du Sud du Québec (SPFSQ) et de la Fédération de l’UPA-Estrie ainsi que la Coalition des victimes collatérales ont rencontré la presse aujourd’hui à Frontenac pour faire le point sur les procédures et actions à venir pour s’opposer aux expropriations en vue du projet de voie de contournement de Lac-Mégantic.
Trop d’éléments demeurent à trancher avant de priver des gens de leurs terres. « Les demandeurs ont 30 jours à partir de la décision de la ministre Helena Jaczek pour contester sa décision. Nous allons, d’ici le début juillet, déposer devant la Cour Fédérale une demande en contrôle judiciaire et en injonction pour suspendre immédiatement le processus d’expropriation et annuler par la suite lesdits avis d’expropriation émis par la ministre des Services publics et Approvisionnements (SPAC) », explique Me Daniel Larochelle.
Le but de la procédure en injonction est d’obtenir de la Cour une ordonnance suspendant le processus d’expropriation jusqu’à ce que cette dernière se prononce sur la validité des avis de confirmation d’une intention d’exproprier lesquels sont illégaux et rendus sans droit.
Une décision politique biaisée; appuyée sur des erreurs de fait
Il fut notamment question de l’Énoncé des motifs de la décision d’exproprier prise par la ministre de SPAC, Helena Jaczek, en totale contradiction avec les oppositions exprimées lors des audiences publiques de mai dernier.
Soulignons que le rapport que l’enquêtrice Me Julie Banville a remis à la ministre Helena Jaczek est très complet. Il reflète bien le mandat qui lui avait été confié de rendre compte des effets néfastes de ce projet pharaonique. Malheureusement, la ministre Jaczek a choisi de baser sa décision sur des éléments partiaux et incomplets véhiculés par un groupe Facebook quasi inactif plutôt que sur les impacts concrets soulevés par près de 1 500 oppositions, dont celles des propriétaires touchés.
Les impacts sur la vie des gens, l’environnement, l’accès à l’eau potable de la région, les finances publiques n’ont pas été retenus. Son Énoncé de décision démontre qu'elle ne connaît pas bien le dossier, que la décision est complètement biaisée et qu'elle minimise de façon choquante certains faits rapportés par les contestataires. Exemple : « le trajet est le plus avantageux d'un point de vue environnemental ». Quelle ineptie! Des motifs loufoques comme le sifflement des trains qui doit s’éloigner du centre-ville, selon la ministre, afin d’assurer la quiétude des citoyens de Lac-Mégantic sont évoqués. Soulignons que la voie de contournement ne sera pas construite si loin d’eux. Ils entendront toujours ce train. Il aurait été moins dispendieux d’envisager, comme les autres municipalités le long de cette voie, d’investir dans des systèmes de barrières de sécurité permettant de réduire les sifflements tout en maintenant la sécurité.
« L’UPA-Estrie et le SPFSQ avaient choisi de faire confiance au processus de contestation des expropriations. Nous ne sentons aucune ouverture de la part du gouvernement fédéral et l'Énoncé des motifs de la ministre Jaczek joue encore la même cassette. Comme si tous nos efforts pour essayer de faire entendre raison aux personnes impliquées dans ce dossier n'avaient servi à rien. Nous nous sentons trahis par ce gouvernement pourtant chargé de représenter et de protéger ses citoyens. La voie de contournement projetée n’améliore la sécurité ferroviaire nulle part au pays », s’est exprimé Michel Brien, président de la Fédération de l’UPA-Estrie.
« L’UPA-Estrie et le SPFSQ vont soutenir les avocats Larochelle, Paré et Boutin dans leur contestation de l’expropriation et les expropriés dans toutes les démarches à venir. Personne de censé ne peut accepter cet affront les bras croisés » a conclu André Roy, président du SPFSQ.
La conférence de presse est diffusée en direct sur la page Facebook de la Fédération de l’UPA-Estrie et demeurera disponible.
Source : Valéry Martin Conseillère aux communications Fédération de l’UPA-Estrie
Selon le courriel reçu par certains expropriés hier, les offres d’indemnité devra parvenir d’ici le 21 juillet. Selon ma compréhension de la loi sur l’expropriation, celle-ci devrait ABSOLUMENT être accompagnée d’une évaluation écrite. De plus cette offre est faite sans préjudice à vos droits futurs. Dis, AUTREMENT, TC croit pouvoir accéléré le processus en agissant rapidement et ainsi plusieurs accepteront les offres mettant ainsi de la pression sur les autres expropriés.
Entrevue avec Daniel E. Larochelle llb avocat inc.
Le rapport de la ministre Jaczek est contestable, de pauvre qualité et démontre son manque de connaissance du dossier.
C’est avec stupéfaction que la Coalition des victimes collatérales (CVC) a pris connaissance du document de 41 pages signé par la ministre Helena Jaczek qui explique ses raisons pour maintenir l’expropriation malgré les 1500 oppositions soumises et le résumé de l’audience publique bien capturé dans le rapport de 549 pages de Me Julie Banville.
Malheureusement, il semble que la ministre Jaczek n’a pas lu ou n’a pas bien saisi les motifs présentés dans le rapport de Me Banville compte tenu des nombreuses omissions et faussetés qu’on retrouve dans son document. De plus, et ceci est grave, la ministre Jaczek ne semble pas bien comprendre le dossier pour lequel elle vient de prendre une décision extrême (soit l’expropriation d’urgence) qui affecte négativement la vie de centaines de citoyens. Nous avons accumulé 12 pages de commentaires mais présentons ici seulement quelques exemples.
Nous sommes également en colère de la décision du gouvernement Trudeau de prendre possession des propriétés dans un délai de 46 jours au lieu du 90 jours stipulé dans la loi. Seule une situation d’urgence permet de raccourcir ce délai. Nous avons donc demandé les raisons justifiant l’urgence et avons reçu la réponse suivante « la possession matérielle de la Couronne des biens-fonds sont requis d’urgence en raison de circonstances spéciales », sans plus de détails.
De plus, la ministre Jaczek explique dans son rapport que rien dans la loi n’oblige le gouvernement à rétrocéder les propriétés et biens saisis advenant une décision négative de la part de l’Office des Transports du Canada (qui en date du 16 juin n’a pas débuté la revue du dossier qui demeure incomplet). Il est moralement inconcevable et injustifié que le gouvernement Trudeau ne confirme pas immédiatement que les biens seront rétrocédés si le projet change ou reçoit un avis défavorable de l’Office.
Voilà encore deux bels exemples d’abus de pouvoir injustifiés de la part du gouvernement Trudeau; un gouvernement qui ne cesse de répéter être à l’écoute et vouloir travailler étroitement avec les communautés et citoyens durement touchés.
Voici quelques exemples des motifs de la ministre Helena Jaczek pour confirmer l’expropriation, qui illustrent plusieurs arguments erronés et propos surprenants :
(a) La ministre confirme l’expropriation pour éliminer le triage et le stationnement des trains en haut de la pente à Nantes (facteur important qui a mené à la tragédie de 2013) alors que les trains ne sont plus immobilisés en haut de la pente et que le triage se fait à Sherbrooke depuis des années;
(b) La ministre confirme l’expropriation pour réduire la pente abrupte, alors que la VC aura la
même pente;
(c) La ministre écarte la proposition d’une demi-voie (largement discuté depuis des années et lors de l’audience publique) en expliquant que celle-ci serait situé encore au centre-ville à 50m du lieu de la tragédie. Il existe 3 tracés de demi-voie (que Transport Canada (TC) a refusé d’évaluer adéquatement) et celles-ci se trouvent entre 250m et 750m du lieu de la tragédie, et hors du centre-ville pour un des tracés. De plus, la portion de la VC dans le secteur Frontenac est non nécessaire pour rencontrer les objectifs du projet;
(d) La ministre confirme l’expropriation pour aider la population à aller de l’avant et pour son bien-être psychologique et social. Elle s’appuie sur les lettres de citoyens que le gouvernement a reçu, de l’appui de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic (dont la position virevolte) et d’une page Facebook créée en 2014 en faveur de la VC. Toutefois, elle omet de considérer
a. l’avis d’un psychiatre sur la gestion du stress post-traumatique
b. les 3 sondages scientifiques démontrant la non acceptabilité sociale avec 77% de la population (dont 90.3% à Frontenac) s’opposant au projet (ce dernier résultat confirmé par le référendum de Frontenac avec 92,5% contre)
c. les 1012 lettres envoyées au premier ministre Trudeau en août 2022 lui demandant de mettre fin au projet
d. les 1500 oppositions aux avis d’intention
e. l’opposition de la CVC avec 278 membres dont plusieurs ont perdu des proches lors de la tragédie de 2013
f. le retrait de l’appui de 2 des 3 municipalités concernés
g. le déchirement du tissus social des 3 municipalités. On ne peut pas aider une communauté en créant volontairement et consciemment des centaines de nouvelles victimes (expropriés et centaines d’autres qui se trouveront près de la VC soit 200 résidences). Ce dossier n’affecte pas négativement que ‘certains citoyens’ comme le dit la ministre dans son rapport;
(e) La ministre se fait rassurante avec les 150 mesures d’atténuation ‘robustes’ identifiés que la compagnie ferroviaire devra implémenter pour gérer les risques entourant l’eau potable. Comme cité à multiples reprises, incluant de la part d’un hydrologue expert lors de l’audience publique, la plupart sont des mesures de surveillance qui ne font rien pour minimiser ou prévenir les risques de contamination ou de diminution de l’eau potable. Ceci est un enjeu important de sécurité et de santé des citoyens;
(f) La ministre indique que ‘les experts s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de contamination potentielle d’aucun puits’. Pourtant, le rapport Englobe (produit pour les promoteurs) dit ceci: ‘les travaux d’excavation sont susceptibles d’affecter la qualité de l’eau souterraine des puits privés situés à proximité des secteurs d’excavation’;
(g) La ministre indique que le niveau de ruissellement ne changera pas dans la rivière Chaudière mais n’explique pas où se déverseront les 55 millions de litres d’eau par jour qui devront être évacués dans le secteur des routes 204 et 161 lors de la construction. En plus, compte tenu des 100 hectares de milieux humides («éponges») qui seront détruits, l’excédent d’eau avec sédiments se déversera nécessairement dans le Lac Mégantic et la rivière Chaudière;
(h) La ministre fait référence à quelques reprises aux courbes (pluriel) prononcées de la voie
actuelle. Il n’y a qu’une seule courbe prononcée problématique alors que la VC aura plus de courbes prononcées que la voie actuelle. La courbe prononcée en question pourrait être corrigée (remise à 4 degrés) et pourrait être inclinée pour diminuer la force centrifuge des trains. Pourquoi ces améliorations simples et peu coûteuses n’ont pas été effectuées pour maximiser la sécurité et rassurer la population ?
(i) La ministre explique que ‘le fait que le train passera à l’extérieur du centre-ville éliminera également le bruit du sifflet qui se fait entendre avant chaque croisement de rues, motif d’opposition qui est réclamé par plusieurs citoyens’. Voici ce qu’on appelle tuer une mouche avec un canon. Soyons clair, tous les citoyens veulent l’arrêt des sifflements et plusieurs ont entrepris des démarches auprès des élus de Lac Mégantic sans réponses positives de leur part; ceux-ci préférant prioriser la VC;
(j) La ministre confirme dans son rapport que les propriétaires, dont les terres sont scindées en deux, ont reçu lors des négociations de 2021 et 2022 ‘des ententes de passage privé’ détaillant leur accès, et que le gouvernement ‘travaille activement’ avec les propriétaires pour trouver des solutions aux problèmes d’assurances. Ces deux énoncés sont faux;
(k) La ministre parle d’emprise ‘quelque peu élargie’ alors que les superficies ont augmenté de 80% entre 2019 et 2021 sans explications valides;
(l) La ministre explique que la période de négociation a été prolongée à 3 reprises pour ‘permettre aux propriétaires d’avoir recours à des services d’experts’. Aucune contre-expertise n’était possible sans les données géotechniques qui n’ont pas été partagées par TC malgré multiples demandes écrites et documentées;
(m) La ministre tente de rassurer les contribuables de l’augmentation des coûts qu’elle considère justifiée par l’ajustement des devis, l’inflation, les coûts augmentés des matériaux alors qu’on parle d’une augmentation de 614% qui reflète beaucoup plus la complexité énorme du projet avec des enjeux géotechniques, topographiques (le train doit passer au travers de 3 collines à Frontenac) et hydrologiques importants qui n’ont pas été adéquatement considérés dans l’étude de faisabilité de 2016 (AECOM) ou dans les consultations du BAPE de 2017 et 2019
(n) La ministre mentionne à quelques reprises ‘la destruction complète du centre-ville de Lac-Mégantic’ lors de la tragédie de 2013 alors que la population locale sait très bien que la décision de détruire le centre-ville, non affecté et non contaminé, a été prise par les élus de Mégantic. D’ailleurs, plusieurs considèrent cette décision de deuxième tragédie. La VC sera une autre tragédie créée volontairement par les élus de Lac-Mégantic et le gouvernement fédéral.
« Personnellement, je suis extrêmement déçu et je vis un cauchemar depuis 10 ans. Je suis arrière grand-maman, j’ai perdu mon petit-fils, Frederic Boutin 19 ans lors de la tragédie de 2013, ma ferme sera amputée de 36 acres et scindée en deux pour construire une tranchée de 100 pieds de profond directement dans un lac souterrain protégé par un arrêté ministériel du ministère des ressources naturelles et des forêts du Québec, et on devra déménager la grange des vaches de l’autre côté de la voie ferrée afin qu’elles puissent avoir accès au pâturage. Si vous pensez que ceci est absurde, sachez que ça ne s’invente pas!» Yolande Boulanger, citoyenne expropriée
A propos de la Coalition des Victimes Collatérales (CVC)
La CVC est un OBNL enregistré auprès du registre des entreprises du Québec qui compte 278 membres. Plusieurs de nos membres ont perdu des proches lors de la tragédie de 2013. Notre mission est d’informer les citoyens au sujet de la VC proposée avec des faits pour combler l’opacité des élus et des fonctionnaires. Nous nous opposons au projet compte tenu : du manque d’acceptabilité sociale, du manque de rigueur dans les études mandatées par TC, du manque d’évaluation d’alternatives ‘plus acceptables’, des conséquences négatives majeures attendues (humaines, environnementales, eau potable).
Contacts :
· Yolande Boulanger: (819) 583-0658
· Kurt Lucas: (514) 880-5200
· Sylvain Côté: (819) 582-2909
· Frédérique Paré, avocat (418) 390-2755
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